Un conte de Noël de Claude Foucaud
J’en ai plus qu’assez, déclara un beau matin le père Noël. Je ne rentre plus dans mon costume tellement j’ai maigri. Je suis invivable ont dit les chérubins, bref, je suis stressé, je n’en puis plus. Il va falloir me donner un coup de main.Les chérubins toujours prêts à faire quelques bêtises, à s’amuser proposèrent immédiatement leurs services.
Tristes, malheureux, les chérubins s’envolèrent. Ils auraient tellement aimé participer aux préparatifs de Noël. Avisant une douzaine de saints qui passaient par-là, le Père Noël les héla.
Les saints se rebiffèrent. Quoi ? Donner un coup de main au Père Noël, ce n’était pas vraiment leur boulot. Le voilà dans le pétrin, notre Père Noël. Il ne lui reste qu’à essayer du côté des milliers d’anonymes qui peuplent le ciel. Les anonymes avaient presque déjà tous un petit travail là-haut au-dessus des nuages. Mais parmi eux, il y avait des chômeurs.
Il y en avait beaucoup, et parmi eux, quelques professionnels. En apprenant qu’il s’agissait de seconder ce vieux Père Noël, toute une armée de chômeurs s’éclipsa rapidement. Ils avaient mieux à faire. Ce qu’ils voulaient, c’est leur tranquillité. Au diable le père Noël.Au diable… Tiens se dit le Bonhomme Noël, pourquoi n’irais-je pas recruter mes aides en Enfer ? Pas possible. On estima au ciel que cela faisait désordre.
Parmi les chômeurs, une main se leva.
Le vieux grognon faillit s’étrangler. Comment ? Une femme voulait l’aider dans son travail. Une nana. , une mère Noël en quelque sorte. Et puis quoi encore.
Toutes les chômeuses (et ils y en avaient beaucoup) se levèrent d’un bloc. Elle l’accablèrent de mille noms dont misogyne était encore le plus convenable. Une autre main s’éleva. Celle d’un gentil artiste, un peu timide et qui sur terre, n’avait pas connu la gloire. Eh oui, il n’avait pas vécu à Paris et en province, c’est plus que dur pour percer.
Pas vraiment format armoire normande, ce gentil comédien. Comment allait t-il pouvoir se charger de milliers de cadeaux ?
Le petit comédien était doté d’un certain charisme. Le Père Noël constata que beaucoup d’autres mains se levèrent. Voilà qui était mieux. Allons, au travail.
Et commencèrent des stages, des séances de formation accélérées, des réunions éducatives, enfin, une activité intense régna au Ciel. Le Père Noël qui, finalement n’était pas mauvais bougre, fit revenir les chérubins. Ces petits anges vifs, intelligents, plein de fougue et qui lui étaient tout dévoués lui rendirent mille et un services. Installer les salles de formation, trouver calepins, stylos et autres ustensiles, retrouver le traîneau du 24 décembre, courir à la poursuite des rennes … Les rennes ? Des hurlements s’élevèrent dans ce ciel ou tout ne devait qu’être calme et quiétude.
Le Père hurla encore plus fort.
On opta pour la fusée, plutôt pour les fusées.
Ils se firent rabrouer. Crier n’était pas digne des chérubins Mais le Père Noël était d’accord pour leur confier le pilotage. Voilà, tout était prêt. Un seul Père Noël, mais des milliers d’aides. La distribution des cadeaux peut se faire à une allure record.
Et ce fut le retour au Ciel. Les Pères Noël avaient tous des cadeaux offerts par les enfants dans leurs fusées. Bonbons, chocolats, pains d’épices, même des petites bouteilles de Schnaps, de gros cigares, et pourtant on ne fume pas au Ciel. On mit tout en commun et les chérubins procédèrent à une distribution équitable de tous ces cadeaux. Le vrai Père Noël participa aux réjouissances. Il essayait d’échanger des sachets de bonbons contre des mignonnettes de Mirabelle véritable de Lorraine. Non pas qu’il fut alcoolique, mais un petit verre n’était pas fait pour lui déplaire.
Et brusquement, on ne le vit plus. Il s’était retiré dans ses pénates. Un petit chérubin malin vint y jeter un coup d’œil curieux. Et que vit t-il ? Un Père Noël déversant sa mirabelle véritable de Lorraine dans un curieux récipient.
Des larmes s’échappèrent des yeux du Père Noël. Il n’avait même pas pu boire un " chlouk " de sa Mirabelle Véritable de Lorraine.
Pas très fier, le petit chérubin qui avait ameuté presque tout le ciel pour ce foutu mug. Il n’aimait pourtant pas faire de la peine au Père Noël.